Lors de mes visites en chambre à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon où je rencontre chaque semaine des patients qui sont en unité de sevrage, j’ai rencontré et sympathisé avec Norbert dont le chemin est particulièrement compliqué. Norbert est un artiste qui a été dans la rue pendant très longtemps, qui aujourd’hui s’en sort, qui a un logement et qui progresse, qui consomme de moins en moins d’alcool, qui arrive à gérer et qui avance même s’il n’est pas encore dans l’abstinence totale. Et en cadeau, à la suite de nos rendez-vous, Norbert m’a lu un poème que je voudrais vous partager
Hospitalité hospitalisé.
Je me réveille comme chaque matin, le soleil brille dans le lointain.
Une infirmière d’allure princière m’offre cachets et somnifère.
Elle attire toute mon attention mais elle ne prend que ma tension.
S’ensuit le reste des acteurs, les aides-soignantes et les docteurs.
Le défilé de l’hôpital comme machinal devient banal.
La ménagère avec ardeur s’affaire durement à son labeur.
Je sors marcher et puis fumer sur le parking ensoleillé.
Des cris s’échappent d’une école.
Mon esprit vogue et puis s’envole.
Dans mes pensées un peu confuses, la liberté à nouveau fuse.
Ma perfusion n’est qu’illusion et mon esprit n’est qu’évasion.
L’esprit serein, le corps malade relativise et me balade.
Notre santé, bien si précieux, me fait enfin ouvrir les yeux.
Retour en chambre, c’est le repas. Après l’esprit, c’est l’estomac.
Je me promène dans les couloirs, nombreux panneaux aux noms bizarres.
J’entends des râles dans l’hôpital semblant venir d’une immense salle.
J’admire ces gens qui sauvent des vies, qui interviennent de jour de nuit.
Parti dans un grand monologue, j’use la patience du psychologue.
Je croise des gens de toutes contrées, dont quelques-uns aiment discuter.
Il y a des patients bien impatients, des révoltés et des plaignants,
des résignés, des philosophes, des bien lunés, qui m’apostrophent.
Le défilé des ambulances, les lumières bleues qui chantent et dansent,
les brancardiers toute la journée transportent malades anesthésiés.
Dans les bureaux, c’est marathon,
une course sans fin qui ne s’interrompt,
une fourmilière à taille humaine,
les jardiniers qui entretiennent.
Les cuisiniers sont affairés à préparer, organiser
un monde à part, là, quelque part où se côtoient la vie, la mort,
combat ultime, combat sublime entre espoir et désespoir,
entre tristesse et allégresse,
entre détresse et dépression,
entre miracles et guérisons.
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